À minuit, je sucre des fraises
J'ai la feuille de vigne embrasée
Je me lève, je pèse mon pèze
Rue Saint-Denis, y a bon baiser
Pas besoin d'être une sorcière
Pour avoir un manche à balai
J'en ai un qui me dit: - Poussière!
Tu iras où je veux aller
Il me nargue, il me tarabuste
M'enfournant dans ses réacteurs
Ce relatif petit arbuste
S'enracine au fond de mon cœur
Que désigne-t-il cet index
Pointé toujours vers l'azimut
Comme si le ciel avait un sexe
Comme si Dieu même était en rut?
Alors à minuit, moi je mange
De la femme avec mon bec tendu
Oui, j'en venge comme on se venge
D'être un ange trop mal foutu
D'avoir là, sous cette ceinture
Ah non! ça n'est pas élégant!
D'avoir là, qui dure, qui dure
Ce doigt borgne obsédé de gant
À minuit, je mange de l'homme
C'est mon métier, c'est mon destin
C'est comme du sucre de pomme
C'est mon sentier, c'est mon festin
À minuit je mange du jouine
Et du vieil, et de l'entredous
Je suis une groigne, une fouine
Un, un, je les mangerai tous
À minuit, je mange mon fils
Et mon père et le chancelier
Le sang tout blanc du maléfice
A faim de se multiplier
Les hommes naissent sur les berges
Du val de morts, dans tous les choux
Rouges, dans le genou des vierges
Comme du blé, comme des fous...
Alors à minuit, moi je mange
De l'homme, je croque grandes dents
Je bouffe le ruban orange
Et les souvenirs obsédants
Je mange la tête et le foie
Le jeu, le crime, le devoir
J'ouvre bien ma gueule, qu'on voie
Que dedans nul ciel n'est à voir