Peuple à la mer
À la merci des courants
Qui n'est pas au courant
Dont la langue à vau-l'eau
Navigue entre deux eaux
Dont la culture dérive au large des rives
D'un incontinent mercantile
Quand il s'agit de s'agiter sache
Que les Loco Locass occupent la place
Jacassent avec audace et cassent la glace
En dénonçant la menace
Qui sévit sur la masse
C'est assez sérieux
Plutôt pernicieux
On croirait au complot tacite de la nation
Car aucun ne s'indigne de la situation
Dans la symphonie multiculturelle de Trudeau
(Son rêve était beau)
La voix francophone est noyée sous le son du saxe Anglo-saxon
Tabarnak 'sont 300 millions
« Pendant qu'un Néo-Québécois de souche se tire une bûche
Un autre Anglo Klaxon sac' son camp »
Notre syntaxe est en voie d'extinction
Minée contaminée déterminée
Par Shakespeare et ses sbires
Y'a pas d'quoi rire
Car j'ai malamalangue
À court de discours
Je me dis cours toujours
Jour et nuit aucune dichotomie
C'est la grande noirceur qui sévit
C'est vite dit précis concis
Bref, mon pays est loin de la Laconie
Honnie, bannie, c'est comme chercher Charlie
Où est ma langue ? Où est mon esprit ?
Où suis-je ? Qui suis-je ? Où vais-je ? Où vis-je ?
L'insidieuse érosion du langage et ses suites me terrifient
Je suis l'homme calcaire en beau calvaire
Devant les assauts séculaires d'une mer qui me sape les pieds
Y'm'pogne des fois des envies d'hermétisme à l'extrême
Une néo-nipponnerie
Une genre de juiverie
Mais j'vivrais mal d'être jugé lepéniste
N'empêche qu'au bouche-à-bouche
Ma langue mal embouchée couche
Avec le butcher
J'en embrasse large mais je couche
Mes mots pour 7 millions de cocus sans colonne verbale
Avale mon venin mollusque, suce
Jusqu'à ce que t'en tire un antidote
Qui dotera ta glotte
Pour le french universel
J'ai rien contre l'orgie romaine, man
Mais j'ramonne personne en franglais
C'est pas vrai ou faux
Je m'en fous
Mon parti est pris
Tu l'auras compris
Ma rage contre la machine est une mutinerie contre le mutisme
Ce séisme tranquille
Je m'infiltre, effronté
Forcé de fitter dans la foulée de ces fous paroliers
Qui mettent flamberge au vent
À tout moment
Pour défendre leur langue
Avant qu'exagérément exsangue
Elle pende comme une sorte
De langue morte (langue d'Oc) OK
Je te l'concède
On est un peu cons et on cède
Nous aussi à la tentation
De parsemer not' tchatche loquace
Du langage des fat ass
Un petit cool par-ci, beat par là
Whatever man, we speak like we ...
« Speak white » Wouanh!
J'ai la voix blanche de m'être trop tu
Au silence blanches négresses et nègres blancs
Nos mots sont des balles à blanc, pan !
Beaucoup de bruit pour rien car le lendemain
Je me souviens de rien
Aphasie, avachie, chie dans son froc de french frog
Vagissant piternellement
Le Québec de lièvre n'en finit pas de naître... pas
Ceux qui tracèrent la trachée d'une voix
Qui n'a pas la portée d'un crachat
J'mâche pas mes mots
C'est pas d'la mash potato
Sache que les Loco Locass
Sont des koubrass qui causent et qui haranguent
Ce qui leur cause des mots sur le bout de la langue
Tous et toutes, professeurs, citoyens
Animateurs de musique plus ou politiciens
Je vous accuse au tribunal de la conscience
D'avoir immolé le français sur l'autel de l'indifférence
Malgré que le combat soit perdu d'avance
Même en France nous défendons notre patrie contre l'anglosphyxie
Tel que le firent les Phrygiens face à l'Empire Romain
Nous avons pris le maquis linguistique
Et opposons à l'Amérique une résistance lyrique
Notre tactique est unique et consiste en la verbalistique
Nous faisons flèche de tout mot
Nos arbalètes envoient des carreaux lexicaux
Au macrophone, les Loco détonnent
Et proposent, entre autres choses
Une prose qui ose et qui désankylose
Si texturé soit-il
Ton texte doit expliquer le contexte de ton cortex car
Sans sens le son n'est que sensation
Mais sans son le sens est sans action