Dans ce poème, Paul Eluard évoque les femmes tondues publiquement à la fin de la Seconde Guerre mondiale, celles qu'on a accusé – faussement ou non – de “collaboration horizontale”, c'est-à-dire d'avoir coucher avec l'ennemi ou tout simplement d'avoir eu avec les occupants des relations intimes.
El...
En ce temps là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait des filles.
On allait même jusqu’à les tondre.
Comprenne qui voudra
Moi mon remords ce fut
La malheureuse qui resta
Sur le pavé
La victime raisonnable
À la robe déchirée
Au regard d’enfant perdue
Découronnée défigurée
Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés
Une fille faite pour un bouquet
Et couverte
Du noir crachat des ténèbres
Une fille galante
Comme une aurore de premier mai
La plus aimable bête
Souillée et qui n’a pas compris
Qu’elle est souillée
Une bête prise au piège
Des amateurs de beauté
Et ma mère la femme
Voudrait bien dorloter
Cette image idéale
De son malheur sur terre.