Ceux qui marchent seuls

88 notes sur un piano qui m'nargue
Et juste dix doigts pour traverser un océan d'nacre
Un grésillement, une basse qui sature
Et sur la feuille blanche encore quelques ratures
Deux-trois enluminures lugubres posées sur du papier
Une main droite crispée, une manne d'information cryptée
Un casque qui crache, une intraveineuse
Un antidote vénéneux
Une perfusion pour des angoisses sans nom
Une fiole de bile noire dans un cloaque fielleux
Un couple qui s'oublie dans les limites d'un ébat fiévreux
Une lumière tamisée aux reflets d'ambre
Un sample qui tourne en boucle, déjà porté par les ombres
Une âme qui vacille d'un spleen abyssal
Revêtue d'habits sobres
Un pèlerin et une colline à grimper seul
Une addition, rester esclave du rythme
Addiction, sniffer l'beat, du charley à la caisse claire
Une enclave suave qui suinte les décrets d'une noirceur
Une effraction sans cri dans l'écrin d'une âme sœur
Un univers caverneux, paupières écloses, pensées recluses
Pour atteindre enfin l'écluse
La même effluve au bord des lèvres
C'est comme un fleuve qui s'délivre, putain
C'est comme tout un peuple qui s'soulève!
Un monde de couleur imbibé de grise littérature
Un enfant qui prend l'apparence d'un grizzly terre-à-terre
Une aura musicale imperméable aux balbutiements
D'un spectre qui s'évertue à palper l'ciment
Un boxeur usé qui refuse de raccrocher
Une estocade qui fuse dans un combat rapproché
Une sarabande placide aux allures de Pandore
Une pluie acide qui s'abat sur une ville qui s'endort
88 notes sur un piano qui m'nargue
Et juste dix doigts pour traverser un océan d'nacre

Nos solitudes
Juste nos solitudes

"À ceux qui marchent seuls et qui ne le savent pas"